Hier soir, je suis sortie. �a a �t� assez catastrophique sans que rien de sp�cifique ne soit arriv�. Tout allait bien, je suppose. Je "m'amusais", je buvais, j'�tais dans un endroit agr�able. Oh bien-s�r, il y avait cette faim humaine qui me mordillait les entrailles depuis le d�but de la soir�e, et m�me avant, mais rien avec quoi je ne sois pas famili�re. Je riais des farces des dragqueens, mais progressivement, sans que je sache pourquoi c'est arriv�, je me suis d�tach�e de mon entourage. Il ne m'adressait pas la parole, mais je les ai laiss�es faire, et je me suis vite sentie opress�e, seule au milieux de ces gens qui me bousculaient pour se frayer un passage, engloutie dans une cacophonie humaine dans laquelle je n'avais pas de place.

J'�prouve fr�quemment ce genre de sentiment, je ne paniquais pas. Je savais bien qu'il se prsentait deux options tr�s simples: sois je manifestais ma pr�sence, soit je quittais sans plus de chi-chi. Je choisis la premi�re de ces alternatives, et allai danser avec mes amies, ainsi que la date de L qui �tait arriv�e. �ventuellement les deux demoiselles quitt�rent la piste pour s'approprier une table d�sert�e, se r�servant une place de choix pour la deuxi�me moiti� du spectacle (lien que je ne fis pas sur le moment) et L et sa date se coll�rent. J'�tais chez Mado, pas la place de choix pour cruiser, pour une demoiselle h�t�rosexuelle, bien que j'eu cru remarquer quelques oeils �gar�s dans les replis de ma personne.

�videment, j'�tais dans le tort d'avoir ressenti ce qui allait me faire p�ter ma coche quelques instants plus tard. �videmment j'avais bu et plusieurs petites choses m'avaient d�j� d�balanc�es: le ton brusque de L, l'air froid, la critique de Ro chez qui j'�tais un peu avant, la surpopulation du petit cabaret, la ti�deur des copines de L, un million d'insignifiances.

Mais au bout d'un moment, seule sur la piste de dance � c�t� de ces groupes ou de ces couples, je me suis sentie incroyablement seule, d'une solitude non choisie. Et peu f�minine. Ou repoussante. D�plac�e.

J'ai demand� d'urgence mon macaron � L, qui l'avait pris pour aller me prendre mes bidies et je suis sortie en coup de vent, sans m'expliquer.

Sur le chemin du retour, je promenais cette �trange sensation d'une boule dans la gorge d�sensibilis�e par l'ivresse de l'alcool. Quelques larmes m'ont barbouill�es le visage.

Chez moi j'ai sanglott�e comme une idiote en �coutant mes messages vocaux et en pensant � ma solitude, et en pensant que quelqu'un, sur qui j'avais fond� certains espoirs quant au soulagement de cette solitude, dans n'importe quel niveau de relation, m'ostracisait pour une raison qui me d�passe, maintenant que je la vois sans voile. J'ai pleur� parce que je n'ai plus confiance en personne, parce que je ne veux plus admettre quiconque dans mon intimit�, que j'aide des gens et que je n'escompte pas leur aide, et que pourant j'aurais besoin de faire tout cela. J'ai pleur� parce que j'ai besoin d'affection et que je suis trop carapac�e pour aller la chercher. J'ai pleur� parce que je ne veux plus qu'on me blesse quand je suis � mon point le plus vuln�rable.

�ventuellement mon imagination a pris la rel�ve en me soufflant un petit sc�nario fictif et consolant et j'ai r�ussi � m'endormir.

Ce matin je me suis r�veill�e, je me suis fait du caf� au lait et du pain dor�. J'ai v�rifi� mon courrier, avec un m�lange in�gal d'une grosse part de soulagement et d'une petite part de d�ception, comme ma main palpait le petit casier sombre, dur, vide et froid.

Je suis d�cid�e � voyager, aussi. Je suis entrain de me reconnecter avec moi-m�me, je vois vaguement ce dont j'ai besoin, je sors tout doucement du vague existenciel dans lequel je suis ouat�e depuis environs une demi ann�e.

-L