Le rideau est baiss�. Il laisse quand m�me filtrer la forme des choses entre ses mailles et j'ai vu un oiseau passer. Une forme noire, rapide, au mouvement en 8 facilement reconnaissable de ses ailes, glisse d'un bout � l'autre du panorama. Moi, moi j'ai la t�te lourde, l'ambition partie pour la pause, je suis fatigu�e, j'ai les pieds froids et franchement je ne peux pas dire que je souhaite quoique ce soit, que je vais faire quoi que ce soit, que j'ai une intention quelconque. Non. C'est l'inaction. Une mer d'huile dans la travers�e oc�anique de ma vie (?!). Les voiles de mon navire sont molles, les cales prennent de l'eau, c'est "ce temps-ci du mois". J'ai deux rang�es de cernes mauves, mes taches de rousseurs sont r�apparues comme elles le font quelque fois au hasard, mes l�vres sont ab�m�es et s�ches comme d'habitude, mes cheveux sont ternes et tout ondul�s par l'humidit� ex�crable des derniers temps. Je m'�tiole comme une plante priv�e de soleil, mais je ne sais pas ce que je d�sire, je ne sais pas vers o� pousser pour atteindre le soleil, alors je m'entortille, mince, longue, jaunie, mes rachitiques et inutiles feuilles entrain de f�ner.

Je ne me sens pas tr�s talentueuse. Je n'ai plus envie de changer quelque chose. Je ne me sens pas tr�s intelligente. Je ne trouve plus beaucoup de valeurs � l'existence. La s�ve est toute bue, la vie affiche "complet", l'histoire de l'humanit� peut continuer � se d�rouler sans ma mis�rable intervention.

�a ne me donnerait rien, de me faire prendre dans ses bras. Quelle id�e. Je suis enferm�e dans les bornes �troites de mon cr�ne stagnant, j'attend l'atrophie. Ce n'est pas lui qui me soulagerait du grand cris muet que je cris depuis si longtemps, qui donnerait un sens au reste de ces jours �coul�s dans une indolence de sursis. Personne ne peut comprendre ce que je ne comprends pas moi-m�me, cet �ternel recalibrement par rapport � Autrui, ce changement d'une position �ternellement inconfortable, cette incompr�hension de mon humanit� par rapport � celle des autres, cette recherche de la direction de mes semblables. Quand je pleurais dans les bras de S, �a n'a servi qu'� lui faire peur. Il n'a jamais compris cet esp�ce de sable mouvant, cette fondri�re se creusant brusquement en moi, qui m'avalait en moi-m�me. Pression de 200 kilo-pascal sur une �me en papier de soie.

Je ne le trouverai pas, le prince charmant ou mon histoire d'amour. Ce serait en pure perte et nous le savons tous. Mes obsessions sont aussi vaines que chim�riques. Je surinterpr�te le degr� de brillance d'un globe oculaire, je rougis d'effleurer un genou dont la chaleur n'est pas la mienne. C'est de l'auto-illusionement, c'est de la mythomanie!

Je suis seule. Je resterai seule. Mon sonar ne renvoie pas d'�cho et la gosse bourre consolatrice de la confidente-avec-un-petit-c enterre toute r�sonance. Personne ne meurre de donner un chaste baiser sur mon front qui serait per�u comme pur. Personne n'imagine avec des frissons de d�lices ce que ce serait d'apposer ses l�vres sur les miennes dans une extase de sensations tactiles, �rectiles, dans une fusion de chair satin�e et amoureuse.

...

Ce n'est pas tr�s grave. �a me laisse froide, tout �a. Glac�e d'une couche de plastique st�rile, je flotte dans le vide. Couleur de glace, de neige, de brouillard de pluie automnale bien que nous soyons en avril, je suis indiff�rente � la pauvret� de mon existence.

"La D�b�cle", de Zola, c'est tr�s tr�s gore.

-L