Je vais vous raconter une histoire. Il �tait une fois, dans une triste lande uniforme, dans une polyvalente bourr�e d'individus quelconque, une jeune fille. Un peu folle. Trop pasionn�e. Des id�es plein la t�te. Qui r�ve au prince charmant. Une esp�ce de Madame Bovary de son si�cle, o� les cat�gorisations de castes ont �t� chang�es pour des cat�gorisations de cultures, et les pr�jug�s de rangs sociaux par des pr�jug�s intellectuels, pr�te � essayer tous les gar�ons jusqu'� ce qu'elle trouve celui qui la fasse vibr� d'un �moi paradisiaque.

Arrive un jeune gar�on. Tr�s silencieux, fort solitaire, il d�ambule sa grande taille d�contract�e et exhibe une aur�ole dor�e de boucles blondes sur son visage aux traits longs, anglais. Une nature farouche, qui s'�crie ha�r les gens.

Timide et toute subjugu�e, la jeune fille s'approche et d�couvre une individu affirm�, profond, artiste et regorgeant d'affinit�s potentielles.

Commence une fabuleuse histoire d'amour et de haine, ou la passion, mutuelle, ne sera jamais v�cue en synchronisation, pour le malheur de nos deux �mes �th�r�es.

La trag�die commence lorsque, d�cevant ce jeune homme sans le vouloir, par manque d'espoir elle-m�me, il se produise un changement en lui. Une �trange, affligeante modification de sa nature.

Pr�cisons que le jeune homme, tout spirituel qu'il soit, est assez lymphatique, vague, ne s'attache � rien, ne forme pas de liens, refuse de s'impliquer dans quoi que ce soit. Le monde ext�rieur ne l'affecte pas, il n'est pas sollicit� par les sentiments des autres, leurs existences, leurs �tres. En deux mots, il s'en fout.

De ce fait-m�me, lui v�nt la r�alisation, avec l'exp�rience, que d'avoir beaucoup de connaissances peu approfondies satisfaisait plus ses besoins sociaux que des amiti�s exclusives et passionn�es.

Aussi, se d�tacha-t-il progressivement de la jeune personne, fr�quentant de plus en plus de gens, se modelant de plus en plus � leurs attentes, perdant de plus en plus la fermet� de son esprit... Et graduellement, la consid�ration de ses pairs grandissant, ainsi que le plaisir qu'il en retire, il chercha encore davantage � plaire � ces gens, � plaire � toujours plus de gens.... Bref, il �tait devenu une prostitu�e sociale. Dans la course effren�e � la popularit�, il avait accept� de marchander l'int�grit� de son �me pour la reconnaissance de ses pairs. Diluant ses opinions, mod�rant ses �lans, applanissant ses paroles, conformant son attitude, il perdit ce qu'il avait de sp�cial, son feu sacr�, sa qu�te enrag�e de quelque chose de sup�rieur � ce qui l'entourait, sa fibre unique. Il dev�nt ambivalent. Futile. Sans int�r�t.

Mais pourtant, cette jeune fille, comme elle tennait � son illusion, comme elle s'accrochait � cette admriation sans bornes, malgr� toutes les preuves de la chute de son h�ro, tentant de ternir l'image de son idole!...

Jusqu'� ce jour o� ce simple �v�nement anodin, cette broutille, qui, par sa concision, sa simplicit�, synth�tisa tous ces doutes, toutes ces appr�hensions. Une simple chicane sur un film. Le simple fait de r�agir face � la jeune fille comme tout ce qu'elle eut dit eut �t� sans valeur, et n'eut pas m�rit� d'attention puisque venant d'elle, petite chose insignifiante et opini�tre. Ce simple mot, qui, dans ce contexte, d�montrait le point de paresse mentale, d'ambivalence, d'�vitement de la confrontation, de mollesse d'esprit que notre h�ro avait atteint. Ce simple mot qui montrait sa d�mission, sa remont�e vers des courants plus l�gers et � longs termes d�nu� de facult�es progressives.... Cette pauvre expression, cet angliscisme, tout cru, presque zen, qui r�summait toute cette immense et double trahison, trahison d'un �tre envers lui-m�me et trahison de l'autre �tre qui croyait en lui plus qu'en toute autre chose:

"Relax!"

� quoi elle aurait d� r�pondre, � quoi elle r�pondra:

"Fuck you".

Lui, c'est T.

Elle, c'est...

-L