J'ai 18 ans. J'ai but� contre un Mur. Je suis tr�s contente, mais �a ne va pas du tout. Non, j'aurais d� me suicider. J'aurais d� me jeter du haut du palais de justice, le 4 mars, quand j'ai r�lis� que j'allais m'effondrer contre un Mur. J'aurais d� le faire quand il me restait encore un peu de passion, quand je vivais encore, quand je me sentais mourir. Maintenant que je suis morte (et contente), �a ne donnerait absolument rien de me tuer physiquement en plus, et je n'en ai pas la moindre envie.
Maintenant j'existe de par mon corps, c'est tr�s bien, l'�me est morte et la t�te est dans le coma. Je mange. C'est bien. Je ne fais pas l'amour. C'est bien. Je dors de deux heures du matin � deux de l'apr�s-midi. C'est bien. Je suis une bonne employ�e (mais pas la meilleure) chez Subway. C'est bien. Je ne dessine pas, je n'�cris que de la merde spontann�e ici, je n'ai pas de projets, je ne veux pas travailler, �tudier, voyager. C'est bien. Je ne r�fl�chis pas, je ne m'informe pas, je ne d�couvre rien. C'est bien.
Je suis parfaitement contente. Assise contre mon Mur, tout va tr�s tr�s bien.
Je suis en amour et je le nie, �a me coupe peut-�tre toutes mes forces, ce serait rassurant. Mais non. La v�rit� est l�:
je suis contente. Et je suis adulte. Et je n'ai rien commenc�. Tout se joue avant la majorit�, c'est bien connu.
Mon potentiel est comme un fruit pas m�r et cryog�nis� dans de l'azote liquide, conserv� dans un bocal dans une chambre froide et sombre, � c�t� des foeutus des g�nis avort�s et des mains coup�es des artistes amput�s. Une belle chambre d'exposition de l'�chec humain, dans toute sa Petitesse.
Vive L�a! qui n'est rien � 18 ans quand ses connaissances enti�res semblent �tre la promesse d'une g�n�ration productive; ils ont une compagnie, ils ont un groupe, ils sont expos�s, ils vendent, ils sont publi�s, ils sont lus, ils ont voyag�s...
Je vais bien. Voyez: aucune larme dans cet oeil sec, b�at de cette existence.
Ne vous en faites pas. La m�diocrit� m'a gagn�e, je vais jouir d'une existence fort paisible.
-L