Alors que le monde entier est convaincu qu'il faut marcher jusqu'� ce qu'on ne se sente plus rien dans le corps que sa persistance b�te, je d�cide de m'arr�teer et de contempler les cailloux, les orni�res, la mnie, les talus, le bois�e humide, les feuilles et le ciel.
C'est bien difficile de se sentir press�e � rejoindre co�te que co�te cette vie lobotomique qui me foutait les jetons quand j'�tais petite. Aller et venir tous les jours d'une institution � l'autre, en accomplissant rituellement les processus compliqu�s de la survivance. Dormir, bouffer, baiser, ne pas avoir trop froid ou trop mouiller, garder ses os indolores et sa t�te immobile. R�p�tition d'usine. Argh. C'est pour �a que je lisais tout le temps.
Et pis d'une mani�re o� d'une autre il ne semble pas y avoir d'�vasion possible � ces routines infernales pour les mochetons de mon calibre.
En fait il y en a mais il faudrait faire semblant, perdre la seule chose qui, jusqu'� ce jour, me semble vraie et empreinte de sens, mon int�grit�e, ma transparence aga�ante.
Y'a des pistes cependant. Je commence � voir.
Mais tout d'abord il faut l�cher prise.
...Ouf.
L�cher prise de ma d�pendance.
L�cher prise de mes inqui�tudes.
L�cher prise de mes soup�ons.
L�cher prise de mes haines.
L�cher prise de mon orgueil.
Moins de gens, moins de choses, plus d'ordre, plus de silence.
Moins de bi�re, plus de th�;
Moins de v�tements, plus de livres;
Moins d'ordinateur, plus de papier.
Plus d'air.
Je sais que je suis plus heureuse seule qu'en groupe; j'aime mieux passer deux heures en sous-v�tement couch�e sur un rocher au soleil � contempler des bigorneaux dans une flaque d'eau laiss�e par la mar�e que d'abattre du kilom�trage impressionant sur des sentiers tous pareils.
Je sais que j'en ai marre des poseurs. Je n'aime que les gens vrais.
Ce n'est pas une brusque d�chir�e dans ma trame; c'est simplement l'isthme �troit des convergences pr�sentes, r�unies dans quelques coquillages et des embruns salins.
-L