J'�tais incapable de dormir. Je me suis relev�e pour aller �crire � l'ordinateur. �crire sur ce journal, bien-entendu. C'est la seule forme d'�criture dont je suis encore capable.

En fait, je me sens dans un grand d�sarroi. Je suis angoiss�e par tout ce qu'il y a dans ma vie, � court, moyen et long termes, sur les plans les plus superficiels au plus profonds, avec mes relations avec les gens, avec mon corps, mon amoureux, l'univers.

Les travaux que j'ai � faire pendant le temps des f�tes m'angoissent parce que je me sens incapable de les faire.

Les situations de vie pratique que j'envisage, comme de conduire une auto ou de me trouver un emploi m'angoisse car je m'en sens �galement incapable. Mon avenir, sur les aspects de la carri�re, de l'amour, de la r�alisation artistique et personelle m'angoisse. Et comme pour les autres sujets d'angoisse, c'est parce que je m'en sens incapable. En bref: je suis une nullit�.

Je r�alise que cette angoisse ne peut �tre qu'une erreure de perception, et qu'elle me ruine la vie en m'enlevant toute confiance en soi, en me rendant amorphe et en faisant en sorte que je n'entreprenne rien de majeur, par molesse et d�faitisme. Mais je n'ai pas de solution. Mes m�dicaments ne marchent pas.

En fait de confiance en soi, �a devient grave. Je ne me sens aucunement intelligente, j'ai l'impression de ne poss�der aucun talent o� d'en avoir de si m�diocre qu'ils n'en vaillent pas la peine; ou m�me que malgr� le fait que j'ai peut-�tre de v�ritables talents, j'ai si peu de charisme que jamais je ne r�ussirais � les exploiter � leurs potentiel maximum. Je ne semble laisser aucune impression sur les gens, je suis une coquille vide de toute substance, je me sens superficielle et vaine. Je me sens comme sombrer dans une guange boueuse de torpeur intelectuelle et mentale, dans de la vase existencielle.

De plus je me sens seule.... Si seule... Dans ce monde peupl� de six milliards de mes pr�tendus semblables, qui se tiendraient tous debout sur la grande sph�re bleue, � �gale distance l'un de l'autre, ce serait comme si, autour de moi, il y aurait un cercle vide, une p�riph�rie � ne pas d�passer, au milieu de laquelle je me tiendrais debout, paralys�e, seule... Seule! Qui m'atteint? Personne! Qui je rejoint? Personne non plus! Qui se soucie de moi?... Qui se soucie de moi en tant qu'individu ayant une personnalit� propre?

...Il y a peut-�tre bien des gens qui le font, mais je ne le sens pas. On a referm� la porte d'un cachot noir, j'en t�te les murs. On m'a branch� un aspirateur contre les narines, il aspire l'air dans mes poumons. �cart�e, remplie de n�ant. Mise � part, une cloison de peau. Elle est la s�paration entre l'ext�rieur et l'int�rieur. Les deux sont vides, l'un d'un vide indiff�rent et peupl� d'objets sans significations; l'autre silencieux, corrod�, comme implosant, s'auto-d�truisant.

Passons � d'autre choses;

j'ai appris quelque chose aujourd'hui. On ne peut juger un individu selon ce qu'il nous a fait, et on ne peut m�me juger son attitude � notre �gard comme d�finitive. J'ai appell� T. Il �tait singuli�rement gentil. Il riait tout le temps. Il n'y avait aucune trace d'amertume dans ses paroles, ni de m�chancet�, ni m�me de d�dain. Allez donc comprendre...;

j'ai trouv� des cadeaux pour mes trois cousines, l'un du c�t� de ma m�re et les deux autres du c�t� de mon p�re. Pour R, cousine maternelle, c'est une affiche du plus r�cent film de l'un de ses idoles, Austin Powers. Quant � F et S, se sont de beaux foulards en laine tr�s doux, que j'ai pris au Ch�teau;

L-A est un type fort sympathique, je l'ai appel� aujourd'hui et il �tait aussi agr�able que toujours, attentionn�, vous mettant sur un pi�destral d'amiti� et d'importance, comme si vous �tiez pour lui une personne extraordinnaire... �a manque d'exclusivit�, mais �a reste merveilleux;

je suis invit�e, en tant que blonde attitr�e, � un souper-fondue ce 29 d�cembre, chez mon tr�s honorable, doux, attirant et intelligent amoureux. Je manigance pour que T y soit;

en allant encaisser mon certificat cadeau de Third Rail, je me suis rendue compte combien le principe des griffes est ridicule et co�teux.

Voil� tout.

-L