Je fais des petits pas pour passer d'une existence passive, angoiss�e et vide � une existence active, autonome et satisfaisante.
L'autre jour, j'ai d�cid� d'aller � la piscine Kent toute seule.
Vous allez me demander en quoi cela peut-il bien �tre une avanc�e existencielle.
C'est que je d�teste, et j'ai toujours d�test�, me trouver seule au milieu de gens qui, eux, ne sont pas seuls; surtout si c'est dans un endroit pr�cis�ment fait pour les loisirs et les jeux.
C'est que je me sens incompl�te dans mon identit�e, j'imagine que tout le monde scrute mes moindres gestes et d�fauts pour s'en moquer, ma parano�a est constament sollicit�e. Je me sens profond�ment � part, et risible dans mon path�tique marginalisme.
�videment il y a des solutions, mais il faut s'y mettre.
Alors donc, vers 16h00 de cette torride journ�e de mardi le 28 juin (Faucille, D�cadi, 10 Messidor, de l'An CCXIII de la R�volution; ce calendrier est tellement plus joli) je m'achemine sur la rue Barclay vers la piscine. J'avais �valu� qu'� cette heure et un jour de semaine, les flots seraient au camps de vacance ou bien retourn�s manger.
J'avais tort.
Dans ce quartier, les m�res, souvent d'origines multiethniques vari�es, sont traditionellement assign�es au r�le glorieux de m�nag�re, et sont donc les esclaves de leurs gentilles larves, qu'elle peuvent accompagner � la piscine all day, no problem.
La piscine �tait noire, NOIRE de petits enfants barbotant, criant de leurs petites voix per�antes et infatiguables, s'aspergeant, courrant malgr� l'interdiction.
J'aime pas beaucoup les enfants. J'ai toujours eu de la mis�re avec eux, m�me quand j'en �tais moi-m�me une. Je n'ai jamais compris comment ils pouvaient �tre aussi cruels envers les b�tes et leurs petits camarades rejet�s pour une raison souvent aussi superficielle qu'insignifiante, sur lesquels ils tapaient, physiquement ou moralement, en groupe. Je n'ai jamais su comment les prendre, je n'ai jamais compris les petits agit�s ou les petits effray�s, je ne sais pas ce qu'il faut leur dire.
Je n'ai jamais �t� gardienne, malgr� les insistances de ma m�re. Moi, exercer de l'autorit� sur ces petites choses incompr�hensibles? Allons donc. Comment est-ce qu'on peut bien avoir de l'autorit� sans grossi�ret� ni tape (ce qui n'implique pas que je sois d'accord avec la punition corporelle); moi je ne sais pas. Alors je m'arrange pour les fuirs; dans les r�unions de famille, je me tiens loin et me d�robe quand on me demande de les surveiller.

Toujours est-il que la piscine �tait pleine d'enfants. Qu'il n'y a pas de corridor de nage. Que quand je suis seule dans une piscine, j'ai envie de nager.
Je me suis donc �tendue sur le ciment, une serviette de bain faisant office de moelleux entre moi et le sol cuisant, et j'ai lu pendant une heure et demi.
J'avais tr�s chaud.
Je ruisselais litt�ralement de sueur.
J'�tais prise d'une volupt�e masochiste, languissante, de me laisser de plus en plus �craser par la chaleur.
� 17h12, n'y tenant plus, j'y suis all�e.
�a barbotait de partout, m�me dans la section un peu plus creuse. Je me suis promen�e un peu, j'ai un peu nag� malgr� la foule et je suis ressortie, absolument soulag�e; se baigner, lors des canicules, est un rem�de instantann�; cela dissout la sueur, abaisse la temp�rature de la peau, supprime tous les effets du soleil et de l'humidit� surchauff�e.
5 minutes plus tard, apr�s avoir subtilement fait le tour pour trouver quelques jeunes m�les dignes d'int�r�t, en vain, je suis ressortie, perplexe et un peu g�n�e, je dois l'avouer; je ne vaincrai pas mon embarras d'�tre seule dans le public par le simple fait de m'y exposer une fois.
Mais je me demandais quand m�me comment se faisait-il, malgr� la profusion de superbes jeunes femmes d�nud�es et id�ales, que les jeunes hommes soient si peu nombreux.
J'�tais personellement boulevers�e par ce fait: j'�tais toute b�ate devant ces nonchalantes beaut�s tanguant doucement du bassin en marchant devant moi, leur peau dor�e de soleil ou constell�e de goutelletes d'eau, comme une cristaline parure rehaussant leur perfection.
Que faisaient les gars?
Comment pouvaient-ils fuir pareille aubaine?
Comment r�sistaient-ils � cette profusion de jeunesse � deux pi�ces, toute de tailles, de jeunes poitrines hautes et muscl�e, de fesses rondes et lisses, de longues jambes encore libre de cellulite, de rondes �paules? Comment se fait-il qu'ils n'y �taient pas attir�s irr�sistiblement comme des phal�nes par une lanterne?
Quel outrage.
Peut-on �tre aussi b�te...
Je ne sais pas ce qu'on a mis dans la t�te des m�les de ma g�n�ration; du porridge ou trop de Nintendo. Mais on dirait qu'ils ont oubli�s tous leurs instincts de s�duction et de sexualit�. Ils n'approchent pas les filles, ils ne les recherchent pas, ils ne tentent pas de les courtiser, et ils ont le culot de se plaindre de leurs copines quand ils en ont.
C'est une impression que j'ai depuis longtemps, et cet apr�s-midi l�, il n'y avait pas grand chose pour l'infirmer; les jeunes hommes pr�sents ne les couvaient m�me pas du regard! (je ne dis pas nous, parce que je ne me sens pas de pair avec toutes ces jeunes d�esses. J'ai rarement l'attention des jeunes hommes de mon �ge.)

Un joli triumvirat fit cependant son apparition, projetant leurs poitrines muscl�es comme des coqs leurs jabots, plein d'applomb et d'indiff�rence.
Je me vis m'�tirer suggestivement � leur approche, l'air de rien, en m'esclaffant int�rieurement de pouvoir adopter un pareil comportement. �videment, ce fut peine perdue; je n'�tais quand m�me pas digne de l'attention de ces fiers messieurs. Mais d�s qu'ils furent partis je ne pus retenir un petit rire, � moiti� d'auto-d�rision devant mon comportement de chatte en chaleur, � moiti� de moquerie devant leur incroyable inaptitude.

En conclusion, tout ce soleil a fait ressortir mes taches de rousseur.
-L