Mais bien-s�r, que je suis encore amoureuse de T. Malgr� toutes mes idiotes r�solutions, mes suppos�es avanc�es philosophiques, mes faussement sages r�signations, mes sentiments continuent de tourner en rond, infatiguables, dans la partie de mon cerveau qui est comme cette chambre secr�te, peut-�tre tapiss�e de rose, pleines de vases de fleurs s�ch�s, aux fins rideaux de baptistes blanche un peu jaunie, au tapis persans et discrets, avec peut-�tre un chat couch� sur un beau fauteuil v�tuste mais bien conserv�, avec, sur une coiffeuse ouvrag�e de noyer ou d'�b�ne, quelques lettres d'amour d�cachet�es et n�gligemment laiss� l�, comme sugg�rant � la main de les prendre et de s'immerger de nouveau dans leurs univers de sensations toutes particuli�res et oh combien uniques dans leurs �ph�mirit�; une chambre, enfin, comme on en imaginerait dans une lueuse habitation d'Angleterre au vert et irr�prochable tapis de gazon...
Surtout puisque nous ne nous sommes pas vu depuis maintenant plusieurs jours, cela m'�loigne du criant sentiment de m�pris qu'il a � mon �gard, de ses constantes petites pointes, de son indiff�rence, et j'ai le loisir de repenser aux doux moments que nous avons eu ensemble..
D'autant plus doux qu'ils �taient subtils, qu'ils �taient comme une silencieuse, secr�te communion, qui n'a pas besoin de mots ou de caresses pour �tre. Quelque chose de tout discret, tr�s �l�gant, un regard attendri, un sourrie complice, de fous �clats de rires, de passionants �changes... Des effleurements des doigts, des contacts en apparence anodins, toutes sortes de petites offrandes sobres et touchantes.
Toutes ces affinit�s, musicales, artistiques, gastronomiques, visuelles, politiques, id�ologiques, philosophiques, litt�raires, qui s'entrela�aient ou collidaient, dans de jolis frises genre art nouveau... Comme le ton montait, comme il redevenait calme et amus�...
Oh, T, mon amour, t'ai-je tant bless�?
Je ne pouvais pas voir, je ne pouvais pas esp�rer, je n'�tais pas pr�te. Crois-tu donc que ces occasions ne se pr�sentent qu'une seule fois, et ne sont valides qu'une seule m�me fois? Es-tu incapable de pardonner? De revenir en arri�re? D'oublier? De recommencer? Tu ne vois donc pas tout l'immense potentiel qu'il y a entre nous?
�coute, � force de parler aux autres, de me souvenir, de te voir aller, de r�fl�chir, je crois que j'ai compris que tu m'en a voulu et m'en veux un peu encore parce que j'ai refus� tes premi�res, timides, presque imperceptibles pour une imb�cile lunatique comme moi... Oh, je croyais que tu �tais mon meilleur ami, que tu me trouvais un peu jolie quoi, mais jamais je n'aurais cru que tu aurais pu avoir une flamme pour moi... Et pendant ce temps-l�, d'autres gar�ons se sont int�ress�s � moi et j'y ai cru! Et j'ai bien fait, tu sais. J'ai eu de bons mais trop courts moments avec S.
Mais tu ne pourrais pas maturer un peu? R�aliser qu'il y a des choses qui s'excuses, qui se comprennent? Que tu m'as jug� � cause de ce tort, que je ne t'ai m�me pas fait volontairement?
Tu dis que je n'ai pas chang�e, alors que c'est toi qui a besoin de changement!
�coute, je ne peux simplement pas laiss� ceci derri�re moi, ce n'est pas une affaire concluse, ce n'est pas des choses qu'on accepte lorsqu'elles sont inachev�es, je refuse d'abandonner, bon sang, tu ne vas pas passer � c�t� de �a par obstination!
C'est moi, l'obstin�e? Ah, mais non. Car j'ai fait du chemin, depuis. Je t'ai compris, je t'ai accept�, j'ai essay� en tout cas, j'ai essuy� les bavures, je t'ai laiss� prendre ton temps, j'ai endurer la cruelle distance que tu as mis entre nous, j'ai passer apr dessus le mal que tu m'as fait, quand j'aurais tout bien pu te r�pudier et te ha�r, si je ferais comme toi!
Tu ne comprends pas?
Enfin, c'est si b�te...
Va-t-on refuser son �me soeur, ou tout du moins une complice qui vous conna�t mieux que 90% des gens venus et � venir?
J'en peux plus, T, d'�tre dans la conjecture. Je crois que ce qui fait le plus mal, c'est que tu m'aies r�duite � moins que rien, que tu te m�prennes ainsi sur moi, que tu m'ignores, que je n'aie plus l'importance que j'avais pour toi, comme celle que tu as pour moi.
Comme j'ai h�te d'�tre au c�gep, loin de ta froideur, pour pouvoir ch�rir m�lancoliquement ce beau pass�, superbe mais surann�...
Enfin, disons le:
Je t'aime.
�a pourrait bien �tre pour toujours.
J'esp�re que �a ne le sera pas, ce serait trop d�sesp�r�.
-L